UCHRONIE ZERO
"Uchronie" est un mot qui désigne, en littérature, un temps futur, imaginaire, qui n'existe pas, à la différence d'une "utopie", qui signifie que c'est l'espace même qui est inexistant. "L'espace", dans toutes les acceptations du terme, existe bien ici, mais c'est le temps qui semble intangible, flou. On est encore dans cette histoire de grands récits, de grands mythes avec la figure de l'Artiste, devenu le héros de sa propre fiction et, le propos semble paradoxalement un peu daté dans 'Uchronie'. Pourtant, une oeuvre se détache nettement d'un ensemble de travaux parfois un peu pompiers (notamment les photos de Martine Hugonnier), ou pseudo-conceptuels (Evariste Richer avec son rayon vert). Ce film, c'est celui de David Lamelas - inspiré d'un livre de Casares (auteur du XXe siècle) : 'L'invention de Morel' - qui offre une réflexion passionnante sur la temporalité et les abysses du temps. Une autre oeuvre de Peter Fischli et David Weiss, 'Kanal', sorte de plongée vidéo dans les égouts de Zurich est, elle aussi, réussie grâce au pouvoir de fascination de ses couleurs, la sensation de volupté qu'elle procure, et la force avec laquelle elle s'impose en tout cas dans l'espace. A côté, les travaux d'un Vadim Fishkin ou d'une Joelle Tuerlinckx, déçoivent un peu… A vrai dire, toutes les oeuvres présentes ont été réalisées à des époques différentes et il semble un peu difficile de les rassembler dans la même exposition. Mais on oublie un peu notre incompréhension de voir du Barbara et Michael Leisgen à côté d'Andreï Ujica pour revenir à la vidéo de Lamelas, superbe monologue du narrateur, réflexion sur le temps qui ramène le héros à l'absurdité de sa situation. Cette vidéo vaut à coup sûr le déplacement. par Boris Daireaux